Westersingel 14
3014 Rotterdam
Paul Verlaine, né le à Metz (Moselle) et mort le à Paris, est un écrivain et poète français.
Il s'essaie à la poésie et publie son premier recueil, Poèmes saturniens, à 22 ans. Sa vie est bouleversée quand il rencontre Arthur Rimbaud en . Leur vie amoureuse tumultueuse et errante en Angleterre et en Belgique débouche sur la scène violente où, à Bruxelles, Verlaine, d'un coup de revolver, blesse au poignet celui qu'il appelle son « époux infernal ». Jugé et condamné, il passe deux années en prison, renouant avec le catholicisme de son enfance et écrivant les poèmes des recueils Sagesse (1880), Jadis et naguère (1884) et Parallèlement (1889). Usé par l'alcool et la maladie, Verlaine meurt à 51 ans, le , d'une pneumonie aiguë.
Archétype du poète maudit (notion qu'il a lui-même forgée), Verlaine est reconnu comme un maître par la génération suivante. Son style — fait de musicalité et de fluidité jouant avec les rythmes impairs — et la tonalité de nombre de ses poèmes — associant mélancolie et clairs-obscurs — révèlent, au-delà de l'apparente simplicité formelle, une profonde sensibilité, en résonance avec l'inspiration de certains artistes contemporains, des peintres impressionnistes ou des compositeurs (tels Reynaldo Hahn, Gabriel Fauré, Charles Koechlin et Claude Debussy, qui mettront d'ailleurs en musique plusieurs de ses poèmes).
Après treize ans de mariage, Nicolas-Auguste Verlaine et son épouse Élisa-Stéphanie Dehée donnent naissance, le , au 2 rue de la Haute-Pierre, à Metz, à un fils qu'ils prénomment Paul-Marie en reconnaissance à la Vierge Marie pour cette naissance tardive, Élisa ayant fait auparavant trois fausses couches,. Catholiques, ils le font baptiser en l'église Notre-Dame de Metz. Paul restera le fils unique de cette famille de petite-bourgeoisie assez aisée qui élève aussi, depuis 1836, une cousine orpheline prénommée Élisa.
Son père, né à Bertrix (Belgique), militaire de carrière, atteint le grade de capitaine avant de démissionner de l'armée en 1851 : la famille Verlaine quitte alors Metz pour Paris, d’abord rue des Petites-Écuries, puis dans le quartier des Batignolles. Enfant aimé et plutôt appliqué, il est mis en pension à l'institution Landry, 32 rue Chaptal, les enfants pensionnaires à Landry suivent leurs cours au lycée Condorcet. Paul Verlaine devient un adolescent difficile, et obtient finalement son baccalauréat en 1862.
C'est durant sa jeunesse qu'il s'essaie à la poésie. En effet, en 1860, la pension est pour lui source d'ennui et de dépaysement. Bachelier, il s'inscrit en faculté de droit, mais abandonne ses études, leur préférant la fréquentation des cafés et des cercles littéraires parisiens. Admirateur de Baudelaire, il se veut poète et, en , une revue publie son premier poème : Monsieur Prudhomme, portrait satirique du bourgeois qu'il reprendra dans son premier recueil. Il collabore au premier Parnasse contemporain et publie à 22 ans en 1866 les Poèmes saturniens qui traduisent l'influence de Baudelaire, mais aussi une musique personnelle orientée vers « la Sensation rendue ». En 1869, paraît le petit recueil Fêtes galantes, fantaisies inspirées par les toiles des peintres du XVIIIe siècle que le Louvre vient d'exposer dans de nouvelles salles. De 1869 à 1872, il se réunit régulièrement avec d’autres artistes adeptes du mouvement parnassien au sein du groupe nommé les Vilains Bonshommes.
Dans la même période, son père, inquiet de son avenir, le fait entrer en 1864 comme employé dans une compagnie d'assurance, puis, quelques mois plus tard, à la mairie du 9e arrondissement, puis à l'hôtel de ville de Paris. Il vit toujours chez ses parents et, après le décès du père en , chez sa mère avec laquelle il entretiendra une relation de proximité et de violence toute sa vie. Paul Verlaine est aussi très proche de sa chère cousine Élisa, orpheline recueillie dès 1836 et élevée par les Verlaine avec leur fils : il souhaitait secrètement l'épouser, mais elle se marie en 1861 avec un entrepreneur aisé (il possède une sucrerie dans le Nord) ce qui permettra à Élisa de l'aider à faire paraître son premier recueil (Poèmes saturniens, 1866). La mort en couches en 1867 de celle dont il restait amoureux le fait basculer un peu plus dans l'excès d'alcool qui le rend violent : il tente même plusieurs fois de tuer sa mère.
Celle-ci l'encourage à épouser Mathilde Sophie Marie Mauté (1853-1914) qu'un ami lui a fait rencontrer : il lui adresse des poèmes apaisés et affectueux qu'il reprendra en partie dans La bonne chanson, recueil publié le , mais mis en vente seulement l'année suivante, après la guerre et la Commune. Le mariage a lieu le (Paul a 26 ans et Mathilde 17) ; un enfant, Georges, naît le .
Cependant la vie de Paul Verlaine se complique durant la période troublée de la guerre franco-prussienne et de la Commune de Paris que soutient le jeune poète. Pendant le siège de Paris par les Prussiens, il s'est engagé dans la Garde nationale sédentaire où il est de garde une nuit sur deux dans un secteur calme.
Pendant la Commune de Paris de 1871, partisan de la révolution, il accepte d'être chef du bureau de la presse à l'Hôtel de Ville. Le , il sera condamné par contumace par le 4e conseil de guerre à la déportation en enceinte fortifiée et à la dégradation civique.
Il fuit Paris pour échapper à la répression versaillaise et est radié de l'administration.
Sa vie sans horizon devient tumultueuse après la rencontre en septembre 1871 d'Arthur Rimbaud — alors âgé de 16 ans — avec lequel il va vivre une relation amoureuse conflictuelle jusqu'en 1873, ruinant son mariage avec Mathilde qu'il frappe à plusieurs occasions après s'être saoulé à l'absinthe,. Mi-janvier 1872, c'est cette fois à son enfant, qu'il délaisse au demeurant totalement, qu'il s'en prend, l'arrachant des bras de sa mère pour le jeter au mur. Mathilde pousse alors un cri déchirant qui interpelle ses parents qui débarquent immédiatement dans la chambre. Paul est à genoux sur Mathilde et lui enserre le cou de toutes ses forces. Monsieur Mauté se saisit de lui et le remet d'un geste sur ses pieds. Sans demander son reste, Verlaine quitte alors la maison et ne reparaît pas, préférant aller loger chez sa mère. Mathilde demande la séparation et obtient gain de cause par jugement du Tribunal civil de la Seine rendu le (le divorce sera prononcé le : la loi Naquet qui le rétablit date du ).
Paul Verlaine vit par intermittence avec Arthur Rimbaud : leur relation affichée fait scandale et la violence de Rimbaud crée aussi le tumulte dans le Cercle des poètes zutiques où Verlaine l'a introduit. Finalement, « le pauvre Lelian » (anagramme de Paul Verlaine), comme il se nomme lui-même, part pour Londres avec « l'époux infernal » en , sa femme rompant de fait définitivement avec lui. Victor Hugo, apprenant la nouvelle, s'apitoie : « Effroyable histoire de Paul Verlaine. Pauvre jeune femme ! Pauvre petit enfant ! Et lui-même, qu'il est à plaindre ! ».
Durant des mois de vie errante en Angleterre et en Belgique qui nourriront le recueil Romances sans paroles se succèdent séparation et retrouvailles avec Rimbaud et de tentatives de retour à sa famille où sa mère ne l'abandonne pas. L'épisode Rimbaud s'achève au cours d'une dispute le à Bruxelles, par les coups de revolver de poche Lefaucheux de Paul Verlaine qui, craignant de voir s'éloigner son amant, le blesse superficiellement au poignet gauche. Incarcéré le jour même dans un centre de détention provisoire, il est inculpé pour son geste et stigmatisé pour son homosexualité. Il est condamné à deux ans de prison le , même si Rimbaud a retiré sa plainte, la pédérastie étant un élément aggravant. La sentence est confirmée en appel le et Verlaine est incarcéré à la prison de Bruxelles.
À la prison de Mons où il est transféré en , Verlaine — influencé par la vie de Benoît Labre, béatifié en 1860 — retrouve la foi catholique et écrit des poèmes qui prendront place dans ses derniers recueils Sagesse (1880), Jadis et naguère (1884), Parallèlement (1889) et Invectives (1896), puis dans les Œuvres posthumes. La composition en prison de trente-deux poèmes (poésie naïve et savante teintée de lyrisme romantique, elle évoque sa crise d'identité), insérés dans ces recueils, est issue d'un manuscrit autographe datant de 1873-1875, intitulé Cellulairement, entré au musée des lettres et manuscrits depuis 2004 et classé trésor national depuis le .
Libéré le avec une remise de peine de presque une année pour bonne conduite, Verlaine tente en vain une réconciliation avec Mathilde qui obtiendra finalement le divorce et la garde de son enfant en . Il passe deux jours et demi avec Rimbaud à Stuttgart « reniant son dieu » : c'est leur dernière rencontre et Rimbaud remet à Verlaine le texte des Illuminations que Verlaine fera publier en 1886.
En , Verlaine s'installe à Londres comme professeur de grec, latin, français et dessin. Il passe ses vacances avec sa mère. Il rencontre Germain Nouveau, un ancien ami de Rimbaud, et enseigne ensuite dans différentes villes anglaises.
Il revient en France en . À la rentrée d'octobre, il occupe un poste de répétiteur en littérature, histoire, géographie et anglais au collège Notre-Dame de Rethel, tenu par des jésuites. Il se prend d'une vive affection pour l'un de ses élèves âgé de 17 ans, Lucien Létinois, fils d'un couple d'agriculteurs. Mais en , son contrat n'est pas renouvelé sous prétexte d'économies de gestion. En septembre, Paul et Lucien partent pour l'Angleterre, où ils enseignent séparément dans des villes différentes. Verlaine rejoint Lucien à Londres. La nature de leur relation reste l'objet de conjectures. La pièce VIII (Ô l'odieuse obscurité) de la section Lucien Létinois du recueil Amour semble désigner un lien charnel, nié par certains biographes. En tout état de cause, l'attachement de Paul Verlaine pour Lucien Létinois semble avoir été sincère et partagé. Verlaine reporte sur Lucien, dont il aime la douceur et admire la prestance, son amour paternel frustré. Lucien, plus docile et prévenant que Rimbaud, paraît avoir accepté de bonne grâce les sentiments protecteurs du poète.
Ils reviennent en France et vont vivre chez les parents de Lucien à Coulommes-et-Marqueny, au lieudit Malval. En , ils s'installent à Juniville, dans le sud du département des Ardennes. Avec l'argent de sa mère, Verlaine achète la ferme dite de la petite Paroisse, qu'il fait enregistrer au nom du père de Lucien (en plein divorce, il craint que sa femme fasse saisir la ferme). Mais l'affaire, mal gérée, périclite vite. En , Verlaine doit revendre la propriété à perte. Paul rentre à Paris. Lucien et ses parents s'installent à Ivry-sur-Seine.
Le , Lucien meurt subitement de la fièvre typhoïde à l'hôpital de la Pitié. Il n'a que 23 ans. Profondément désespéré par la perte de son « fils adoptif », Verlaine lui consacrera 25 poèmes, placés à la fin du recueil Amour (1888).
Rentré à Paris en 1882, Verlaine essaie en vain de réintégrer l'administration. Il renoue avec les milieux littéraires. En 1884, il publie un essai remarqué sur les Poètes maudits et le recueil Jadis et naguère, qui rassemble des poèmes écrits une décennie plus tôt et que couronne le célèbre Art poétique, publié en revue dès 1882, qui revendique un art « sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». Il est alors reconnu comme un maître et un précurseur par les poètes partisans du symbolisme ou du décadentisme. Dans son roman À rebours paru en 1884, J.-K. Huysmans lui réserve une place prééminente au sein du Panthéon littéraire de Des Esseintes. À partir de 1887, sa célébrité dépasse même les cercles littéraires : le jeune compositeur Reynaldo Hahn chante dans le salon d'Alphonse Daudet, devant le poète, son premier cycle de mélodies, les Chansons grises, qui regroupe sept poèmes de l'auteur. En 1894, malgré sa négligence physique et l'opprobre attaché à son nom, il est désigné comme « Prince des Poètes ».
Son alcoolisme entraîne des crises de violence répétées. Il est emprisonné à Vouziers, du au , pour avoir tenté une nouvelle fois d'étrangler sa mère, avec laquelle il vit toujours (elle mourra le ). Longue déchéance, sa fin de vie est quasiment celle d'un clochard, hantant cafés et hôpitaux et condamné à des amours « misérables ». Soutenu par de rares subsides publics ou privés, il donne quelques conférences. Il ne produit plus guère que des textes d'occasion, dont les poèmes érotiques, voire pornographiques, d'Hombres. Souffrant de diabète, d'ulcères et de syphilis, il meurt d'une pneumonie aiguë le , à 51 ans, au 39 rue Descartes, dans le Ve arrondissement de Paris.
Ses obsèques, réglées par le Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts alors dirigé par Combes, ont lieu le en l'église Saint-Étienne-du-Mont, en présence notamment de Gabriel Fauré, qui y tient les orgues, et de Montesquiou qui relate les funérailles dans De Verlanâ. Issé sur un corbillard de cinquième classe, la dépouille de Verlaine est conduite au cimetière des Batignolles à Paris, où il est inhumé dans la 20e division, et où des éloges funèbres sont prononcés par François Coppée, Stéphane Mallarmé, Catulle Mendès, Maurice Barrès, Jean Moréas, Gustave Kahn et Edmond Lepelletier. En 1989, sa tombe est transférée dans la 11e division, en première ligne du rond-point central.
En totale rupture avec la morale de son temps, Paul Verlaine apparaît comme une figure emblématique du poète maudit, aux côtés d'Arthur Rimbaud qu'il a fait connaître malgré leur rupture.
Paul Verlaine est avant tout un poète : son œuvre offre moins d'une dizaine de courts recueils publiés entre 1866 et 1890, mais les poèmes ont été écrits pour l'essentiel avant 1880, c'est-à-dire entre 22 et 35 ans. Ses textes ultérieurs sont très inégaux et souvent de caractère alimentaire. En raison notamment de la musicalité de ses vers, Verlaine a été décrit par Paul Valéry comme un poète de la voix.
Ses textes en prose sont tardifs et surtout autobiographiques (Les Mémoires d'un veuf, 1886, Mes Hôpitaux, 1891, Mes Prisons 1893). Son essai sur Les Poètes maudits (1884) tient cependant une grande place par les découvertes qu'il contient : Tristan Corbière, Arthur Rimbaud et Stéphane Mallarmé, et dans la seconde édition, parue en 1888, Marceline Desbordes-Valmore, Villiers de L'Isle-Adam et Pauvre Lelian (anagramme de Paul Verlaine).
La carrière poétique de Paul Verlaine s'ouvre avec les Poèmes saturniens de 1866, bref recueil de 25 poèmes qui rencontre peu d'écho mais Verlaine s'annonce comme un poète à la voix particulière, jouant subtilement sur les mètres pairs et impairs, les rythmes rompus et les formes courtes dont le sonnet. Se plaçant sous la sombre égide de Saturne, il cultive une tonalité mélancolique qui fait de certains poèmes des incontournables de la poésie lyrique (« Mon rêve familier », « Soleils couchants », « Promenade sentimentale », « Chanson d'automne »). Fêtes galantes de 1869, composé de 22 poèmes aux mètres rapides et aux strophes peu nombreuses et courtes, se présente au premier abord comme un recueil de fantaisies à la manière de Watteau dans lesquelles Verlaine multiplie les jeux de prosodie, mais le sentiment de l'échec et de la vanité des jeux amoureux des petits marquis et des Colombines colore peu à peu le recueil, jusqu'au poème final, le célèbre « Colloque sentimental » où « Dans le vieux parc solitaire et glacé […] / L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir ».
La bonne chanson paraît en 1872, mais l'édition était prête dès 1870. Il s'agit de 21 poèmes dédiés à sa fiancée Mathilde et écrits pendant l'hiver 1869 et au printemps 1870 qui constituent « une chanson ingénue », plutôt convenue et sans doute un peu mièvre. Citons en exemple une strophe du poème XIX : « Donc, ce sera par un clair jour d'été : /Le grand soleil, complice de ma joie, /Fera, parmi le satin et la soie, /Plus belle encor votre chère beauté ».
Il n'en va pas de même des poèmes écrits dans les années du tumulte qu'apporte Arthur Rimbaud dans la vie de Paul Verlaine : une part de ceux-ci est regroupée dans Romances sans paroles, bref recueil de 21 courts poèmes, qui est publié en 1874 pendant son séjour en prison en Belgique. Une touche nouvelle apparaît, plus dynamique avec des instantanés nourris des souvenirs amoureux et des impressions reçues lors de la vie errante avec « l'homme aux semelles de vent » en Belgique et en Angleterre (« Quoi donc se sent ? /L'avoine siffle. /Un buisson gifle /L'œil au passant. » « Charleroi »). Les sous-titres comme « Ariettes oubliées » ou « Aquarelles » renvoient à des mélodies légères (« Il pleure dans mon cœur /Comme il pleut sur la ville », « Ariettes oubliées », III) et à des « choses vues », Verlaine notant comme un peintre impressionniste la correspondance entre les états d'âme et les paysages : « L'ombre des arbres dans la rivière embrumée /Meurt comme de la fumée, /Tandis qu'en l'air, parmi les ramures réelles, /Se plaignent les tourterelles. / Combien, ô voyageur, ce paysage blême /Te mira blême toi-même, /Et que tristes pleuraient dans les hautes feuillées /Tes espérances noyées ! » Romances sans paroles, « Ariettes oubliées », IX.
Sagesse (1880) comporte un plus grand nombre de poèmes plus amples (47) et montre une autre voie. Verlaine revient sur son parcours douloureux avant de montrer sa transformation mystique quand il retrouve la foi catholique (« Ô mon Dieu vous m'avez blessé d'amour », II, 1) sans faire disparaître son mal de vivre (« Je ne sais pourquoi/Mon esprit amer /D'une aile inquiète et folle vole sur la mer. » Sagesse, III, 7, qui associe des vers impairs de 5, 9 et 13 syllabes et la fonction du refrain) avec une grande force suggestive (« Et l'air a l'air d'être un soupir d'automne, / Tant il fait doux par ce soir monotone / Où se dorlote un paysage lent ».
Jadis et naguère de 1884 (42 pièces) est un recueil assez disparate qui reprend pour l'essentiel des poèmes écrits plus de dix ans plus tôt. Il comporte le célèbre « Art poétique » qui proclame dès le premier vers les choix de Verlaine : « De la musique avant toute chose / Et pour cela préfère l'impair / Plus vague et plus soluble dans l'air, / Sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». Selon le critique Alain Baudot, l'« attention à la musique du vers est toujours restée primordiale chez Verlaine, presque obsédante ». On trouve aussi dans Jadis et naguère le poème « Langueur » et ses fameux premiers vers : « Je suis l'Empire à la fin de la décadence/Qui regarde passer les grands barbares blancs / En composant des acrostiches indolents, / D'un style d'or où la langueur du soleil danse » qui furent reconnus comme fondateurs par les décadentistes.
Poète de la confidence, de la musicalité et de la suggestion, Verlaine a pu se voir reprocher sa complaisance pour la mélancolie d'homme malheureux (Pauvre Lelian, dit-il en parlant de lui-même ; J'ai perdu ma vie, écrit-il dans Parallèlement, « Révérence parler », I), sa langueur décadente, et on a pu aussi critiquer sa « fadeur ». Néanmoins cette voix dont on retient les murmures constitue une des formes importantes du renouveau poétique dans le dernier tiers du XIXe siècle et son influence sera grande, à travers les symbolistes comme Jean Moréas et les décadentistes, et le poète aura de nombreux héritiers comme Guillaume Apollinaire qui selon Michel Décaudin « tend une main à Verlaine » avant de s'ouvrir à d'autres modernités.
Les Œuvres complètes de Paul Verlaine éditées dans la Bibliothèque de la Pléiade sous la direction de Jacques Borel, composées des Œuvres poétiques complètes (1938 puis 1962, un volume), et des Œuvres en prose complètes (1972, un volume) forment l'édition de référence du corpus verlainien, suivie ici pour dresser la liste exhaustive des œuvres de Verlaine.
Verlaine a publié trois œuvres licencieuses « sous le manteau » afin de contourner la censure :
Victor Hugo félicite Verlaine pour ses Poèmes saturniens, qui illustrent ce qu’il appelle « une jeune aube de vraie poésie ». Il invite Verlaine chez lui en 1868, et lui écrit à l’occasion des Fêtes Galantes publiées en 1869 : « Que de choses délicates et ingénieuses dans ce joli petit livre ! »
Leconte de Lisle reconnaît immédiatement dans les Poèmes saturniens l’œuvre « d’un vrai poète, [artiste] très habile et bientôt maître de l’expression ».
Mallarmé lui écrit que les vers des Poèmes saturniens ont été « forg[és dans] un métal vierge et neuf » et qu’il en a appris un certain nombre par cœur. D’ailleurs, Mallarmé apporte son concours afin d’obtenir une pension pour Verlaine et prononce un discours sur sa tombe.
Anatole France également décèle dans les Poèmes saturniens des « richesses pour l’avenir, [une] promesse de science et d’originalité ».
Théodore de Banville lui affirme que ses Poèmes saturniens, qu’il a lus dix fois de suite, lui assurent « parmi les poètes contemporains une des places les plus solides et meilleures ».
Maurice Barrès lut un discours aux obsèques de Verlaine, et dans un article du Figaro présenta l’œuvre de celui-ci comme « une terre de liberté » pour les gens de sa génération qui dédaignaient la réussite et la reconnaissance de l’Académie.
Huysmans exprime dans À rebours toute l’admiration qu’il éprouve pour le poète, dont le talent original résidait dans sa maîtrise incomparable de la métrique, et surtout dans sa capacité à « exprimer de vagues et délicieuses confidences, à mi-voix, au crépuscule […] en des vers charmants où passait l’accent doux et transi de Villon ».
Léon Bloy fut d’abord assez sévère à l’égard de Verlaine puis évolua pour voir en lui « véritablement le plus haut poète contemporain », « un ange qui se noie dans la boue » et il se souvenait de sa poésie comme de « l’un des beaux étonnements de [sa] vie », mais il n’apprécia pas Mes Prisons, recueil de souvenirs daté de 1893 – « littérature de pochard », qui le fit s’exclamer : « Pauvre grand Verlaine ! »,.
En revanche, Barbey d’Aurevilly ne voyait en lui qu’« un Baudelaire puritain », le talent en moins, qui tirait une partie de son inspiration de Victor Hugo et d’Alfred de Musset.
Le jour des funérailles de Verlaine, François Coppée prononce un discours : « Saluons respectueusement la tombe d’un vrai poète, inclinons-nous sur le cercueil d’un enfant », ce qui fait dire à Alphonse Daudet dont les propos nous sont rapportés par Edmond de Goncourt : « Un enfant ! […] Un homme qui donnait des coups de couteau à ses amants, qui, dans un accès de priapisme de bête sauvage, ses vêtements jetés à terre, se mettait à courir tout nu après un berger des Ardennes… ».
L’opinion de Edmond de Goncourt peut se résumer à ces lignes au vitriol tirées de son Journal : « Malédiction sur ce Verlaine, sur ce soulard, sur ce pédéraste, sur cet assassin, sur ce couard traversé de temps en temps par des peurs de l’enfer qui le font chier dans ses culottes, malédiction sur ce grand pervertisseur qui, par son talent, a fait école, dans la jeunesse lettrée, de tous les mauvais appétits, de tous les goûts antinaturels, de tout ce qui est dégoût et horreur ! ».
Antonio de La Gandara réalisa à la demande de Robert de Montesquiou plusieurs esquisses du portrait de Verlaine, certaines desquelles sont consultables à Paris à la BnF et au musée des Beaux-arts de Nantes.
À Juniville (Ardennes), l'ancienne auberge du Lion d'Or que fréquentèrent Verlaine et Létinois de 1880 à 1882 abrite le musée Verlaine labellisé Maison des Illustres.
À Metz, en Moselle, La maison natale de Paul Verlaine (2 rue Haute-Pierre), devenue Maison d’écrivain et de Patrimoine littéraire et, depuis 2020, labellisée Maison des Illustres.
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