Biographie
Introduction
Charles-François Dupuis, né le 26 octobre 1742 à Trie-Château et mort le 29 septembre 1809 à Échevannes, près d’Is-sur-Tille, est un mythographe, astronome et homme politique français.
Professeur d'éloquence latine au Collège de France, il est principalement connu pour ses thèses astromythologiques exposées dans l'Origine de tous les cultes, son grand œuvre paru en 1795.
Élu député à la Convention nationale, il participa à la création du calendrier républicain. Il siégea ensuite au Conseil des Cinq-Cents sous le Directoire, puis au Corps législatif sous le Consulat.
Biographie
Premières années
Charles François Dupuis naquit le 26 octobre 1742 à Trie-Château, à côté de Gisors. Il était le fils d’un maître d’école qui s’occupa soigneusement de son éducation : l’enfant savait lire dès l’âge de quatre ans. Ses parents tenaient une pension à La Roche-Guyon.
Le jeune Dupuis se passionna pour l'arpentage et la géométrie. Un jour, à l’âge de onze ans, il s’exerçait sur les bords de la Seine avec un graphomètre – cherchant à calculer la hauteur du donjon de La Roche-Guyon avec les lois de la trigonométrie –, quand le duc de la Rochefoucauld l’aperçut et vint l’interroger. Admiratif de ses connaissances précoces, il s’engagea à financer ses études. Trois ans plus tard, l'élève ayant réussi brillamment ses premières classes à Vernon, il se vit accorder la bourse promise et rejoignit le prestigieux collège d’Harcourt à Paris.
Alors que Dupuis était âgé de quatorze ans, son père tomba dans la Seine et s’y noya. Le duc de La Rochefoucauld lui accorda une seconde bourse, qui permit à sa famille de subsister.
Carrière de professeur
Licencié en théologie, il fut nommé en 1766 professeur de rhétorique au collège de Lisieux, rue Jean-de-Beauvais, où il enseigna pendant vingt ans. Profitant de son temps libre pour étudier les lois, il fut reçu comme avocat au Parlement de Paris en 1770. Dupuis renonça au costume ecclésiastique en 1772 pour se marier. Il suivit à cette époque les cours d’astronomie de Lalande au Collège royal.
Réputé pour sa « latinité pure et élégante », il prononça en 1775 un discours à l’occasion de la remise des prix de l’université de Paris, en présence du Parlement, récemment reconstitué par Louis XVI. Cinq ans plus tard, le recteur de l’université le choisit pour composer l’éloge funèbre de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche.
En 1778, inspiré par l’expérience de Guillaume Amontons, il mit au point dans sa maison de Belleville un télégraphe optique, afin de communiquer avec un village voisin. Dupuis fut ainsi l’un des précurseurs du sémaphore, inventé par Claude Chappe pendant la Révolution.
Encouragé par Lalande – fondateur de la loge des Neuf Sœurs –, il commença à travailler à une théorie mêlant l’astronomie à la religion. Il était convaincu que les récits mythologiques étaient l’expression allégorique du mouvement de la sphère céleste et de l’alternance des saisons, que les divinités antiques symbolisaient des planètes et des constellations. Il publia dans le Journal des savants des articles sur Janus (1779) et sur Minerve (1780), puis un Mémoire sur l’origine des constellations et sur l’explication de la fable par l’astronomie (1781), qui fut inséré par Lalande dans le quatrième volume de son Traité d’astronomie. Bailly contesta les conclusions de Dupuis dans son Histoire de l’astronomie ancienne, tout en reconnaissant l’érudition et l’ingéniosité de l’auteur.
En 1785, le roi de Prusse, Frédéric II, cherchait un successeur à Dieudonné Thiébault comme professeur de grammaire à l'Académie militaire de Berlin. Nicolas de Condorcet suggéra au souverain le nom de Dupuis, qui fut invité à se rendre en Prusse où aurait été financée la publication de ses travaux. Son départ fut retardé par le marquis de Miromesnil, garde des sceaux de Louis XVI, et le projet tomba à l’eau en 1786, à la mort de Frédéric II. L’année suivante, il fut nommé professeur d’éloquence latine au Collège royal.
Dupuis présenta sa candidature à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, dont il fut d’abord écarté du fait des soupçons d’athéisme pesant sur lui. En 1788, bénéficiant du soutien du duc de La Rochefoucauld, de l’abbé Leblond et de l’abbé Barthélémy, il intégra finalement la « Petite Académie » du pavillon de l'Horloge du Louvre, héritant du siège de Guillaume Dubois de Rochefort.
Révolution
Dupuis fut nommé commissaire de l’instruction publique par le département de Paris en 1790.
Les massacres de septembre 1792 – au cours desquels le duc de La Rochefoucauld fut assassiné – l’horrifièrent. Il se réfugia quelques jours à Évreux, avant d’être rappelé à Paris dès le 15 septembre : élu premier député suppléant de Seine-et-Oise à la Convention nationale, il fut désigné en remplacement de Barère de Vieuzac, qui avait opté pour les Hautes-Pyrénées. Il siégea parmi les modérés et fut membre du Comité d'instruction publique entre novembre 1792 et janvier 1793.
Le 15 janvier 1793, lors du procès de Louis XVI, les députés durent se prononcer nominalement sur la culpabilité du monarque déchu, accusé de « conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État ». Dupuis vota pour. Quand vint la question de la sentence, trois jours plus tard, il déclara : « Je ne concourrai pas de mon vœu à priver le peuple d'un otage important qu'il aura le droit de vous demander un jour. Je vote pour la détention. » Après la condamnation à mort, il vota l’amendement visant à surseoir à l’exécution. « Je souhaite que l’opinion de la majorité fasse le bonheur de mes concitoyens, et elle le fera si elle peut soutenir le sévère examen de l’Europe et de la postérité qui jugeront le roi et ses juges. » Le sursis fut rejeté et Louis XVI fut guillotiné le 21 janvier.
Le citoyen Dupuis travailla au sein de la commission chargée d'établir le calendrier républicain, qui impliqua de nombreux savants de l’Académie des sciences, comme Lagrange, Monge, Pingré ou Lalande. Le rapporteur, Gilbert Romme, présenta les travaux de la commission devant la Convention nationale le 17 septembre 1793. Le calendrier commençait à l’équinoxe d’automne 1792, jour de l’abolition de la royauté et début de « l’ère des Français ». Il entra en vigueur le 6 octobre 1793.
Sous la Terreur, Dupuis parvint à éviter la mort à certains de ses amis, au risque d’être accusé de modérantisme. Le 23 novembre 1794, « pour l’honneur de l’espèce humaine », il demanda devant la Convention thermidorienne la mise en accusation de Carrier, l’ordonnateur des noyades de Nantes, qui fut guillotiné le 16 décembre.
Élu secrétaire de la Convention le 2 mars 1795, il déposa le mois suivant un projet de loi sur la garantie des dettes de l'Etat, l'épuration des administrations, « d'où seront exclus tous les hommes ineptes ou intrigants », la création de tribunaux « pour que les dilapidateurs rendent des comptes », et l'extension à donner à la Constitution de l'an I, « afin que le peuple français rentre le plus tôt possible dans l'exercice de tous ses droits ».
Le 10 avril, le Comité d'instruction publique l'envoya en tournée dans les départements méridionaux, avec la mission d'y veiller à la mise en place des écoles centrales.
Origine de tous les cultes
Directoire
Après l’adoption de la Constitution de l’an III, Dupuis fut élu en octobre 1795 au Conseil des Cinq-Cents, comme représentant de la Seine-et-Oise. Il fit partie des 48 savants choisis par le Directoire pour composer le premier noyau de l’Institut national des sciences et des arts. Ces 48 membres en désignèrent 96 autres, pour porter les effectifs à 144. Dupuis intégra la classe de littérature et beaux-arts (section des antiquités et monuments).
Il intervint pour défendre la conscription (10 novembre 1795), pour soutenir une proposition de Louvet sur la liberté de la presse (17 mars 1796), ou encore pour réclamer la publicité de la discussion sur les finances (8 août 1796). Son mandat au Conseil des Cinq-Cents s’acheva le 19 mai 1797, avec le premier renouvellement des représentants.
Au lendemain du coup d'État du 30 prairial an VII (18 juin 1799), qui déboucha sur l’éviction de La Révellière et de Merlin de Douai, Dupuis fut mis trois fois en ballotage avec le général Moulin pour le poste de directeur. Le Conseil des Anciens élut finalement le militaire.
Consulat
Favorable au coup d’État de Bonaparte, il fut désigné par le Sénat conservateur, le 25 décembre 1799, comme député de Seine-et-Oise au nouveau Corps législatif. Il présida brièvement cette Assemblée à l’automne 1801. Quelques mois plus tard, le Corps et le Tribunat le choisirent comme candidat au Sénat conservateur, mais Bonaparte bloqua la nomination de Dupuis, dont il n’appréciait pas l’opposition à sa politique religieuse. Il se retira de la vie politique en avril 1803, au terme de son mandat.
Dernières années
À la fin du Directoire, Dupuis lut devant l’Institut un Mémoire sur les Pélasges, peuple civilisateur qu’il croyait originaire d’Éthiopie.
Au printemps 1805 parut une Dissertation sur le Phénix. Interprétant un passage de Tacite, il pensait que la renaissance de cet oiseau mythique symbolisait le parachèvement du cycle sothiaque.
L’année suivante, il publia dans La revue philosophique un mémoire sur le zodiaque de Dendérah, à partir du dessin réalisé par Vivant Denon. S’opposant à la lecture qu’en faisait Visconti, il voulut démontrer que les points équinoxiaux et solsticiaux inscrits sur le bas-relief renvoyaient à une époque antédiluvienne.
Son article connut un écho important dans le contexte de la vague d’égyptomanie qui suivit l’expédition de Napoléon. Gian Domenico Testa, fervent défenseur de l’Église, s’opposa à cette interprétation qui remettait en cause la chronologie biblique. À partir des travaux de Champollion sur le sujet, un consensus s’imposa pour dater le zodiaque de Dendérah au Ier siècle avant notre ère.
Toujours en 1806, il publia un Mémoire explicatif du Zodiaque chronologique et mythologique, dans lequel il faisait référence à un futur grand ouvrage comparatif sur les cosmogonies, qui ne vit jamais le jour.
Charles-François Dupuis acheva sa vie près d’Is-sur-Tille (Côte-d'Or), au château du Fossé, un bien national acheté pour 22 000 livres. Victime d'une fièvre purulente, il y mourut le , âgé de 66 ans.
Son éloge funèbre à l’Institut fut prononcé par Bon-Joseph Dacier, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
Il laissa derrière lui des manuscrits sur les hiéroglyphes égyptiens, ainsi que des traductions de discours choisis de Cicéron et d’un fragment de Nonnos de Panopolis.
Hommages
Une rue Dupuis fut percée en 1809 à Paris, dans le quartier du Temple (actuel IIIe arrondissement). Elle a été rebaptisée rue Charles-François-Dupuis en 2003.
Il existe une place Dupuis dans le centre-ville de Dijon (Côte-d'Or) ; elle fut renommée ainsi en 1904, à l'initiative du maire anticlérical Henri Barabant.
Décoration
- Chevalier de la Légion d’honneur (25 avril 1806)
Publications
- Mémoire sur l'origine des constellations et sur l'explication de la fable par le moyen de l'astronomie (1781) [lire en ligne]
- Origine de tous les cultes, ou religion universelle, en trois volumes de textes et un volume de planches in-4, ou douze volumes in-8 abondamment illustrés (1795). Réédité en 1822 et en 1835-1836 lire en ligne sur Gallica
- Mémoire sur les Pélasges, (1797) lire en ligne sur Gallica
- Second Mémoire sur les Pélasges, De l'Origine des Pélasges, (1798) lire en ligne sur Gallica
- Abrégé de l'origine de tous les cultes (1798) [lire en ligne]
- « Sur le zodiaque de Tentyra » dans la Revue philosophique () lire en ligne sur Gallica
- Mémoire explicatif du zodiaque chronologique et mythologique, un volume in-4 (1806) lire en ligne sur Gallica
Pour approfondir
Bibliographie
Articles connexes
- Théorème de Dupuis
Liens externes
- Ressources relatives à la recherche :
- La France savante
- Isidore
- Thèses de doctorat ès lettres soutenues en France de 1808 à 1940
- Ressources relatives à la vie publique :
- base Léonore
- Base Sycomore
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Union List of Artist Names
- Planches de L'origine de tous les cultes sur le site de l'UMR 5611 du CNRS
- Comme quoi Napoléon n'a jamais existé Réfutation humoristique de Dupuis par Jean-Baptiste Pérès.
Notes et références
- Portail de l’astronomie
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- Portail de la politique française
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Source: Wikipedia