Joann Sfar, né le à Nice (Alpes-Maritimes, France), est un auteur de bande dessinée, illustrateur, romancier, acteur et réalisateur français.
Il est notamment connu pour ses séries Petit Vampire, Le Minuscule Mousquetaire, Le Chat du rabbin qu'il adapte ensuite au cinéma, Klezmer, Donjon et la série des Carnets. Il illustre également de nombreux ouvrages, et est aussi professeur de dessin à l’École des beaux-arts de Paris.
Biographie
Famille et enfance
Originaire de Nice, Joann Sfar est issu d'une famille juive séfarade de Sétif, en Algérie, du côté de son père, et ashkénaze ukrainienne laïque et anticonformiste, du côté de sa mère. Toute la famille du grand-père maternel a été déportée durant la Seconde Guerre mondiale. Sa mère, Liliane née Hoftel dite Lilou (1948-1974), est chanteuse pop. Son père, André Sfar (1933-2014), est avocat, engagé dans la lutte contre le néonazisme dans les années 1970, pianiste, et adjoint de Jacques Médecin à la mairie de Nice, avant de démissionner lorsque Médecin accepte le soutien du Front national pour faire adopter le budget municipal.
Sa mère meurt quand il a trois ans mais on lui dit qu'elle est « partie en voyage ». Il est élevé par son père, dont la vision du judaïsme est, plus que celle de sa famille maternelle, pratiquante et traditionaliste, ainsi que par son grand-père maternel (ancien résistant, médecin dans la brigade Alsace-Lorraine puis rabbin anticlérical), qui occupe avec sa grand-mère maternelle une villa au cap d'Antibes — demeure qui inspirera son œuvre.
Formation
À l'âge de dix-sept ans, il entretient une correspondance qui dure plusieurs années avec l'auteur de bande dessinée Pierre Dubois, lequel le soutient dans son projet de faire de la bande dessinée.
Après des études brillantes aux lycées Masséna et Honoré-d'Estienne-d'Orves à Nice, Joann Sfar effectue un cursus philosophique à l'université Nice-Sophia-Antipolis, pour notamment satisfaire son père, où il a pour enseignants Clément Rosset, Jean-François Mattéi, André Flécheux, et y obtient une maîtrise avec mention « Très bien ». À 21 ans, il est contacté par les éditions Larousse pour publier son mémoire de maîtrise sur la représentation de la figure humaine, avant de se raviser au motif qu'il aurait refusé de modifier son texte.
En 1992, il termine sa formation à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris où l'un de ses professeurs est le peintre Jean-François Debord.
Débuts en bande dessinée
Joann Sfar dessine depuis l'enfance, en attendant que sa mère « revienne ».
En 1994, il publie ses premières planches à l'Association, rejoignant ainsi Jean-Christophe Menu, Stanislas, Mattt Konture, Killoffer, David B., Mokeït et Lewis Trondheim avec qui il collaborera par la suite. Ces auteurs font partie de la nouvelle vague d'auteurs de bande dessinée française des années 2000 qui revendique une liberté formelle en cherchant à s'éloigner des formats classiques franco-belges.
Au début des années 1990, il continue d'envoyer en vain ses dessins aux éditeurs et rejoint en 1992 l'atelier Nawak avec d'autres auteurs de l'Association, où il participe à la vie de l’atelier en prenant les commandes d'illustrations que d'autres refusent. Ensuite, il travaille à l'atelier des Vosges avec des auteurs comme Frédéric Boilet, Marjane Satrapi, ou Christophe Blain avec qui il collabore (Donjon, Socrate le demi-chien).
L’Association publie en 1994 le premier album de Sfar et la maison Cornélius, le premier tome des Aventures d’Ossour Hyrsidoux.
Il développe très vite un grand nombre de séries adultes et jeunesse (son premier best-seller Petit Vampire puis Sardine de l'espace), dans des formats classiques (Le Chat du rabbin, Donjon) ou plus novateurs (Klezmer ou ses Carnets autobiographiques).
Comme de nombreux dessinateurs, il est publié dans les pages du mensuel Fluide Glacial.
Succès et diversification
Ses sources d'inspiration vont du cinéma à la musique, en passant par la littérature, la philosophie, les beaux-arts, le dessin ou les jeux vidéo. L'éclectique Joann Sfar est « un auteur de bande dessinée capable d’aborder tous les genres et de conquérir tous les publics ».
Il a exercé la fonction de directeur de collection chez l'éditeur Bréal Jeunesse, où il a publié des livres pour la jeunesse. En 2005, il crée et dirige la nouvelle collection de bandes dessinées « Bayou » chez l'éditeur Gallimard. En 2008, Le Petit Prince de Saint-Exupéry, qu'il illustre, se vend à 150 000 exemplaires et est traduit en trente langues.
Sa série Petit Vampire est adaptée pour la télévision en 2003. En 2010, il se lance dans le cinéma avec le film Gainsbourg, vie héroïque qui obtient le César du meilleur premier film mais restera déficitaire.
En 2011, il sort une adaptation en dessin animé du Chat du Rabbin et obtient le César du meilleur film d'animation.
Dans le cadre de l'élection municipale de 2014 à Paris, il croque des dessins depuis les QG de campagne d'Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet.
En 2015, il est personnellement affecté par les attentats contre Charlie-Hebdo dont il connaissait bien les victimes ; il publie la même année l'album Si Dieu existe, sorte de carnet intime où il développe son point de vue sur le monde ou la religion.
En 2016, il est dessinateur résident à Paris Match en alternance avec Sempé puis est nommé professeur aux Beaux-Arts — incarnant ainsi la « légitimation de la bande dessinée au sein de l’ENSBA... et dans le monde de l’art ». Il est fait chevalier de la Légion d’honneur la même année.
En 2016-2017, Sfar expose à l'Espace Dali à Montmartre : Joann Sfar - Salvador Dali : Une seconde avant l’éveil.
Il est actif sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter, où il produit des milliers de publications.
Joann Sfar est également musicien, il joue notamment du ukulélé. Il a ponctuellement joué sur scène avec Mathias Malzieu, chanteur du groupe Dionysos.
Engagement
Lors du Festival d’Angoulême 2016, il demande, ainsi que Riad Sattouf, à être retiré de la liste des nominés au grand prix, au motif qu'aucune dessinatrice n'y figure.
Il est président d'honneur de la Ligue des auteurs professionnels, fondée en 2018.
En , la Société des gens de lettres indique son intention de l'attaquer pour diffamation, à la suite de propos qu'il a tenus sur France Inter. Cela l'amène à préciser dans un communiqué le constat qu'il fait des défaillances de la distribution des aides aux auteurs.
Son engagement contre les positions antisémites et d'extrême droite vient de sa famille juive à la fois ashkénaze laïque et séfarade traditionnelle établie sur la côte méditerranéenne, notamment de l'engagement politique local de son père et de la déportation de sa famille maternelle. Se disant athée et multiculturaliste, et déclarant adorer les Arabes et les Juifs tout en étant « emmerdé » par toute religion, il prévoit de voter pour LFI en 2017, mais accuse le parti d'être proche des régimes russe et syrien, et il dit finalement renoncer à ce vote.
Des personnalités du monde de l'édition comme Jean-Louis Gauthey de la maison Cornélius ou Jean-Christophe Menu prennent leurs distances avec lui.
Ses positions sur le conflit israélo-palestinien font aussi polémique à gauche lors de l'émission de France Culture consécutive aux Attaques du 7 octobre 2023 où il déclare : « Je suis dans l'émotion, je penserai plus tard », certains de ses propos étant jugés provocants ou ambigus à gauche. Il déclare par la suite que « l'antisémitisme est le pire ennemi de la cause palestinienne ». Selon lui, aucun camp ne doit tomber dans la caricature, c'est pourquoi « la société israélienne n'est pas à l'image de son gouvernement d'extrême droite, et confondre le Hamas et la population palestinienne est une aberration ».
Vie privée
Il a été marié jusqu'en 2014 à Sandrina Jardel — qu'il a connue durant leur adolescence et avec qui il a collaboré artistiquement ainsi que vécu dans plusieurs endroits du monde. Avec elle, il a deux enfants, une fille et un garçon.
Il épouse ensuite l'actrice Louise Lacoste, avec qui il a un fils né en 2020.
Style
Il revendique l'héritage de l'œuvre de Fred (notamment pour l'univers poétique et pour l'énergie du trait de plume) et d'Hugo Pratt (aussi pour l'usage du clair obscur, la vigueur des contrastes, le traitement et le charme des personnages féminins).
Œuvres
Bandes dessinées
Les Aventures d'Ossour Hyrsidoux, Paris, Cornélius :
Tome 1, 1994.
Tome 2, 1995.
Noyé le poisson, Paris, L'Association, coll. « Patte de mouche », 1994 et 1998. (ISBN 2909020894)
Le Borgne Gauchet au centre de la Terre, Paris, L'Association, coll. « Mimolette », 1995. Réédité en 2000 sous le titre Le Borgne Gauchet. (ISBN 2909020517)
Petrus Barbygère (dessin), avec Pierre Dubois (scénario), Paris, Delcourt, coll « Terres de Légende » :
L'Elficologue, 1996. (ISBN 2-84055-082-2)
Le Croquemitaine, 1997. (ISBN 2-84055-136-5)
L'Intégrale, 1998. (ISBN 2-84055-199-3)
Les Potamoks (scénario), avec José Luis Munuera (dessin), Paris, Delcourt, coll. « Terres de Légendes » :
Terra Incognita, 1996. (ISBN 2-84055-088-1)
Les Fontaines rouges, 1996. (ISBN 2-84055-110-1)
Nous et le désert, 1997. (ISBN 2-84055-147-0)
Troll (scénario), avec Jean-David Morvan (scénario) et Olivier Boiscommun (dessin), Paris, Delcourt, coll. « Terres de Légendes » :
Les Insoumis, 1996.
Le Donjon du dragon, 1998 (ISBN 2-84055-184-5)
Les Mille et Un Ennuis, 1999 (ISBN 2-84055-276-0)
À partir du tome 4, Joann Sfar ne participe plus à la série.
La Fille du professeur (scénario), avec Emmanuel Guibert (dessin), Marcinelle : Dupuis, coll. « Aire libre », 1997. (ISBN 2-80013-454-2)
Le Petit Monde du Golem, Paris, L'Association, coll. « Ciboulette », 1998. (ISBN 2-90902-098-3)
Donjon (scénario, dessin des trois premiers Donjon Crépuscule) avec Lewis Trondheim (scénario, dessin des quatre premiers Donjon Zénith), Paris, Delcourt, coll. « Humour de rire ».
Merlin (scénario), avec José-Luis Munuera (dessin), Paris, Dargaud :
Jambon et Tartine, 1999.
Contre le Père Noël, 1999.
Va à la plage, 2000.
Le Roman de la mère de Renart, 2001.
Joann Sfar quitte ensuite la série, qui est scénarisée depuis par Jean-David Morvan.
Le Dernier Juif d'Europe, Albin Michel, février 2020
Et Dieu riait beaucoup, Albin Michel, 2023 (ISBN 9782226457790)
Livres d'art
Gainsbourg (Hors champ), Dargaud, 2009, 451 p. (ISBN 978-2205064315)
Gainsbourg (Images), Dargaud, 2009, 46 p. (ISBN 978-2205064308)
Je l'appelle monsieur Bonnard, Hazan, 2015, 64 p. (ISBN 978-2754108393)
Paris sous les eaux, Gallimard, 2018, 64 p. (ISBN 978-2742457564)
Cinéma
Réalisateur
2010 : Gainsbourg, vie héroïque (également scénariste)
2011 : Le Chat du Rabbin (co-réalisé avec Antoine Delesvaux, co-scénarisé avec Sandrina Jardel)
2015 : La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil
2020 : Petit Vampire (co-scénarisé avec Sandrina Jardel)
en projet : Monster's Shrink
en projet : Le Chat du rabbin (également scénariste)
en projet : Voyage au bout de la nuit, adaptation du roman de Céline, avec le scénariste Thomas Bidegain
Acteur
2009 : Les Beaux Gosses de Riad Sattouf : le professeur de philosophie
2010 : Gainsbourg, vie héroïque de lui-même : Georges Brassens
2011 : Le Chat du rabbin de lui-même et Antoine Delesvaux : le Juif russe de la malle (voix)
Participations
Une planche dans Raaan, L'Association, cadeau-adhérents, 1994.
Un strip dans Hommage à M. Pinpon, L'Association, cadeau-adhérents, 1997.
Cinq pages dans Comix 2000, L'Association, 1999.
Participation à Lapin, L'Association, cadeau-adhérents, 2000.
Un vampire à New-York (scénario), avec Yoann (dessin), dans Vampires tome 1, Carabas, 2001.
Participation aux cadavres exquis de l’Oupus 2, L'Association, coll. « OuBaPo », 2003.
« Le Tôkyô de Oualtérou », dans Japon, ouvrage collectif dirigé par Frédéric Boilet, Casterman, coll. « Écritures », 2005.
Quatorze pages sur les Textures et deux pages sur Hugo Pratt dans L'Éprouvette no 1, L'Association, .
Dessins de plusieurs albums (Whatever the Weather, Monsters in Love, Les Métamorphoses De Mister Chat) et clips du groupe Dionysos
Réalisation du clip de la chanson Hyacinthe de Thomas Fersen dans l'album Le Pavillon des fous.
Concert de Thomas Fersen illustré en direct par Joann Sfar, une production du Festival international de la bande dessinée, sur une idée de Benoît Mouchart.
Quatre illustrations dans la réédition sous la forme d'un livre-disque de l'album Comme un manouche sans guitare de Thomas Dutronc,
Comptes-rendus de dîners de L'Association dans l'ouvrage collectif Quoi !, L'Association, 2011.
Réalise 55 illustrations pour les articles de l'édition du du quotidien Le Soir (Bruxelles).
Prix et récompenses
1997 : Prix René Goscinny pour La Fille du professeur
1998 : Alph-Art coup de cœur au festival d'Angoulême pour La Fille du professeur (avec Emmanuel Guibert)
1999 : prix Jacques Lob lors du festival Bd Boum
2003 : Prix du Trentenaire du festival d'Angoulême
2003 : Prix du jury œcuménique de la bande dessinée pour Le Chat du rabbin, t. 1
2004 : Prix jeunesse 7-8 ans du festival d'Angoulême pour Petit Vampire, t. 5
2004 : Prix Max et Moritz du meilleur scénariste international
2006 :
Prix Eisner de la meilleure édition américaine d'une œuvre internationale pour Le Chat du Rabbin
Prix Sproing de la meilleure bande dessinée étrangère pour Le Chat du rabbin
2008 : Lauréat de la Fondation Gan pour le Cinéma pour le long-métrage Le Chat du Rabbin
2009 : Essentiel Jeunesse du festival d'Angoulême pour Le Petit Prince
2011 : César du meilleur premier film pour Gainsbourg, vie héroïque
2012 : César du meilleur film d'animation pour Le Chat du rabbin
2017 : Petit Vampire reçoit le Prix à la Diffusion de la Fondation Gan pour le Cinéma au Festival International du Film d'Animation d'Annecy
2024 : prix Max et Moritz exceptionnel pour une œuvre remarquable
Décoration
Officier de l'ordre des Arts et des Lettres, 2014
Chevalier de la Légion d'honneur (décret du 25 mars 2016)
Notes et références
Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Vincent Bernière, « Joann Sfar : La Java bleue », dans Les 100 plus belles planches de la BD érotique, Beaux-Arts éditions, (ISBN 979-1020402011), p. 102-103.
Patrick Gaumer, « Sfar, Joann », dans Dictionnaire mondial de la BD, Paris, Éditions Larousse, (ISBN 9782035843319), p. 771-773..
Joann Sfar (interview par Thierry Groensteen), Entretiens avec Joann Sfar, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, , 270 p. (ISBN 978-2-87449-158-0).
Joann Sfar (interviewé) et Bertrand Dicale, « Sfar, very nice », Casemate, no 69, , p. 18-22.
Joann Sfar (int.), Antoine Delesvaux (int.), Clément Oubrerie (int.) et Frédéric Bosser, « Quelle assochation ! », dBD, no 54, , p. 6-10.
DBD, dossier Sfar, dBD, .
Frédérique Pelletier, « Chagall en Russie, t.1 : portrait de l'artiste aux cinq doigts », dBD, no 46, , p. 82.
Benjamin Roure, « Klezmer, t. 2 : de musique et d'aquarelle », dBD, no 4, , p. 29.
Frédérique Pelletier, « Monsieur crocodile a beaucoup faim : la faim justifie les moyens », dBD, no 44, , p. 72.
Cathia Engelbach, « Joann Sfar sur le vif », Les Arts dessinés, n°24, octobre-décembre 2023, p. 25-35
Articles connexes
Joann Sfar (documentaire, 2010) de Mathieu Amalric