Idée lecture : L'étoffe du diable, de Michel Pastoureau
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L'étoffe du diable : une histoire des rayures et des tissus rayés de Michel Pastoureau
Après avoir nous être intéressés à l’iconographie des saints et de la Bible, je vous propose une plongée dans les représentations mentales de l’Occident autour de la symbolique de la rayure avec L’étoffe du Diable de Michel Pastoureau, historien médiéviste spécialiste de la symbolique et de l'histoire culturelle des couleurs, des animaux, des emblèmes et de l'héraldique.
Dans cet ouvrage court et dense tout en étant facile à aborder, il nous explique en quoi la rayure et les étoffes rayées sont restées en Occident, jusqu'au XIXe siècle, des marques d'exclusion ou d'infamie portées par les individus vivant aux marges de la société chrétienne ou en dehors : tels que les musiciens, bouffons, bourreaux, prostituées, condamnés, hérétiques, juifs, musulmans ainsi que, dans les images, le Diable et toutes ses créatures. Depuis le Moyen Age, les surfaces sont signifiantes. Elle distingue le maître du valet, le bourreau des victimes, les fous des sains d'esprit, les damnés des élus. Alors que le semé de fleur de lis ou hermines sont valorisants, solennels, associés au sacré et à la souveraineté, le tacheté est associé à la maladie et à la mort. Au milieu de ces exemples, le rayé symbolise un état infamant dans la hiérarchie sociale : la rayure horizontale y est le signe de la servilité, des prostituées et des personnes en marge. Les personnes qui en sont parées sont ainsi sujet de méfiance car transgressant l'ordre social. En héraldique, elle va même jusqu'à indiquer la bâtardise tandis que les représentations bibliques l'associent à Caïn ou Judas et des figures hors des normes de la société.
Ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle, avec l'explosion de la mode des rayures que Buffon réhabilite le modèle zébré, qui sera abondement reprit dans les Colonies insurgées de l'Amérique avec leurs "stripes". Le modèle se décline alors partout ; aussi bien dans le textile, la décoration que le vêtement. Le statut visuel et culturel de la rayure se transforme radicalement pour évoquer la liberté et les idées nouvelles ou encore la mer avec la rayure horizontale des tricots de marins. Ces nouvelles formes de rayures positives cohabitent avec les anciennes jusqu'à nos jours car, sauf exceptions, les rayures sont présentes partout mais avec des formes et des significations différentes. Alors que des rayures horizontales se retrouvent dans les costumes masculins les plus honorables, le costume rayé des bagnards est repris comme marque d'infamie pour les déportés victimes du nazisme.
La rayure joue donc un rôle de trompe-l’œil, de mise en garde. Elle montre et cache à la fois, faisant le lien entre interdiction et perméabilité : signalant une barrière que l'on peut éventuellement franchir mais à ses risques et périls. C’est ce sujet que je vous propose de (re)découvrir à la bibliothèque de l’Institut Rachi.
Une lecture proposée par Manon Carnat, étudiante en Master II Valorisation du Patrimoine Textuel et stagiaire à la bibliothèque de l'Institut Rachi
Cet ouvrage est à retrouver à la bibliothèque de l'Institut Rachi : lien vers la notice du catalogue